Cet article m’a été le plus difficile à écrire à ce jour. J’ai l’impression de mettre ma tête sur la buche, de m’ouvrir et en même temps d’être vraie comme jamais. Parler de d’autres personnes c’est aussi risquer d’effleurer ces gens.
Lorsqu’on a grandi avec un père alcoolique et une mère dépendante affective, ça laisse des traces. C’est un combat éternel entre le pardon, la facilité de sombrer aussi et la pression de devenir un modèle différent pour ses propres enfants. Il faut se construire en travers tout ça.
À l’âge de 13 ans alors que l’espoir d’avoir un père présent, bien que j’aie eu un beau-père qui l’ait toujours été, un ancien alcoolique m’a dit la plus belle chose qui soit, je remercie d’ailleurs cet homme, « tu sais Heidy si ton père ne pouvait pas venir te voir parce qu’il était gravement malade, qu’il aurait le cancer est-ce que tu comprendrais? » Bien sûre ce serait normal. « Bien justement ton père est gravement malade, c’est une maladie différente mais il lui faudra toucher le fond du baril pour guérir. » Ce qui fut vrai, plusieurs années plus tard, mais moi jusqu’à l’âge de 17 ans, j’ai attendu cet homme comme un enfant attend, chaque année, le Père Noël qui n’existe pas. Puis un bon jour j’ai fait mon deuil et à un autre moment j’ai pardonné, il était malade, comment aurais-je pu lui en vouloir?
Ce fut extrêmement plus difficile de pardonner à ma mère, car selon l’image que je me faisais, un père peut partir mais une mère doit rester. C’est une responsabilité à la naissance. Ma mère a toujours été présente dans ma vie, tant qu’elle n’avait pas à choisir entre son homme et moi, tout allait bien. Sa dépendance affective, tout comme la dépendance à l’alcool de mon père a fait en sorte que j’ai souvent été leur deuxième choix. Pour ma mère ça m’a pris 35 ans à comprendre, accepter et même à essayer de pardonner que c’est sa « maladie » à elle qui a mené à faire ces choix douteux. Ce n’est pas parce qu’elle ne boit pas, ne se drogue pas que sa dépendance ne lui cause pas moins de dommage et de souffrance.
Pardonner, ce fut plus facile avec mon père puisqu’aujourd’hui il est repenti, il ne boit plus et je sais qu’il regrette toutes les peines causées par alcoolisme. Ma mère cependant n’a jamais atteint le fond de son baril, qui est moins évident à trouver avec ce type de dépendance. Elle n’admet pas son problème, « ne se souvient pas », et vit dans le déni de ses agissements. Après lui avoir pardonné j’ai donc dû en plus opter pour le détachement pour survivre, c’est encore plus difficile.
J’ai beaucoup pensé aux blessures qu’ils ont eux-mêmes vécues avec leurs propres parents, l’abandon de leurs propres mères à tous les deux et je ne sais pas si j’aurais eu la chance de faire mieux et de devenir un meilleur humain qu’eux après tout ça. Je me rappelle aussi qu’aucun parent, à moins d’avoir une maladie mentale, ne cause de tort volontairement à leurs enfants. Nous faisons tous de notre mieux avec ce que nous avons reçu et appris.
Maintenant devenu adulte, je me bats pour ne pas noyer mon chagrin dans l’alcool, car je sais que ce n’est pas la façon de faire et que ça fait encore plus mal, pourtant mon réflexe premier lorsque je vais moins bien serait les soirées bien arrosées. Je dois perpétuellement me contrôler à ce niveau mais je réussi maintenant très bien. Je dois aussi me battre contre la peur immonde d’être seule, transmise génétiquement par ma mère. Je suis maintenant très bien seule et je ne recherche plus un homme aussitôt que le dernier a franchi mon seuil de porte, je suis si fière de cette progression qui m’a mis des années de travail sur moi-même à accomplir. En revanche j’ai constaté que dès que je suis en relation ma peur de perdre l’autre, d’être seule à nouveau et de ne pas retrouver un partenaire qui me plaira revient au galop, mes expériences de 2021 m’ont permis, malheureusement, de constater à quel point j’accepte trop n’importe quoi, plutôt que de m’écouter et de me respecter. Un autre travail à faire sur moi-même, l’évolution ne s’arrête jamais semble-t-il.
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Néanmoins ce que je retiens de tout ça c’est l’importance de briser le cercle de cette génétique familiale, je crois que mes parents ont, malgré tout, fait mieux que les leurs et que moi j’ai fait mieux qu’eux avec mon enfant. Tout ceci grâce au pardon, à la compréhension, à un travail continuel sur mes blessures et à l’amour de soi. Il n’est pas trop tard pour pardonner à ses parents pour devenir un meilleur parent pour ses enfants ou simplement un meilleur humain. Il n’est pas trop tard non plus pour demander pardon à nos enfants pour les erreurs que nous avons commises, pour qu’ils nous donnent notre chance de faire mieux. Il faut se défaire de cette culpabilité car elle nous cause parfois les tourments que nous vivons ou que nous essayons d’oublier. Toutefois nous sommes libres d’entretenir une relation avec qui nous le souhaitons, même en ayant des liens familiaux rien ne nous force de côtoyer une personne qui ne nous apporte pas de bien. Pardonnez-leur pour vous sans aucune obligation de créer des liens si vous n’en avez pas envie, c’est votre droit.
« La façon dont vos parents vous ont traités explique la façon dont vous vous traitez à l’âge adulte. » Sandra Lacombe
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